-
[book] Où vont les hirondelles en hiver ∞ Review
OÙ VONT LES HIRONDELLES EN HIVER, PIERRE RIVAL
F I C H E D U L I V R E
Titre : Où vont les hirondelles en hiver
Auteur : Pierre Rivel
Nombre de pages : 247 pages
Genre : Roman historique
Éditeur : Plon, 2014S Y N O P S I S
Tania Smirnova vit à Moscou aux heures les plus sombres de la Seconde Guerre mondiale. L'hiver 1941 s'est abattu sur la Russie. Les Allemands sont aux portes de la capitale, l'Armée rouge est en déroute. Dans les rues, les habitants creusent des tranchées, élèvent des barricades. Certains tentent de s'enfuir, d'autres se livrent au pillage. La fin de l'empire soviétique parait imminente.
À l'heure du désastre, Staline cherche à resserrer les rangs. Les coups s'abattent sans pitié sur la population : on traque les défaitistes, les profiteurs, les traitres. Tania voit son amoureux, l'un de ses voisins et bientôt son propre père tomber tout à tour, victimes d'une implacable répression. Demain, ce sera peut-être son tour...
À moins qu'elle ne parte pour le front, comme des centaines de milliers d'autres femmes soviétiques, condamnées à se battre ou à mourir comme un homme...
M Y I M P R E S S I O N (attention spoilers)
J'aime les romans historiques. Je pense que c'est un fait indéniable et pour que je sois vraiment captivée par une histoire, il me faut un contexte historique. Ce que j'aime dans les romans historiques, c'est la part de vérité qui y réside : ce personnage a-t-il vraiment existé ? De tels événements ont-ils vraiment eu lieu ? Chaque fois que j'en lis un, je finis par passer des heures sur google à chercher des informations sur la genèse de l'oeuvre, son auteur, les événements qui y sont décrits, etc. afin de savoir si cela s'est vraiment passé. Et tant de fois j'ai été déçue par les romans qui semblaient tellement dire le vrai mais qui en réalité n'étaient que pure fiction. Si j'insiste sur mon amour pour les romans historiques, c'est parce que je me suis rendue compte que je devais revenir à mes premières amours pour apprendre à savourer un livre et que seul un roman historique pouvait susciter mon intérêt. Ce roman a dépassé mes espérances.
Lorsque j'étais adolescente, j'avais lu un roman qui se passait en Russie pendant la Guerre Mondiale : Tatiana de Paullina Simons. Ce roman est très important pour moi car il m'a fait découvrir une facette de la Russie que je ne connaissais pas. Dans mon esprit, la Russie était indissociablement liée aux tsars. Je pense que j'ai été trop bercée par les histoires des Romanov dans mon enfance et comme je suis née en 1990, je n'ai pas connu tout le pan communiste de son histoire. Pour moi, la Russie était un pays qui faisait rêver. J'avais envie de me promener dans les rues de Saint-Pétersbourg en plein hiver avec un manteau de fourrure (de la fausse, mais parler de fourrure fait plus romanesque) et de découvrir les merveilles architecturales de la ville... C'était donc cette image que je recherchais dans mes nombreuses lectures de romans russes, mais Tatiana a été comme un déclic : l'image que j'avais de la Russie était erronée, incomplète. J'ai donc commencé à m'intéresser à son histoire plus récente, mais j'avais toujours du mal à retrouver la magie qui m'avait fait dévorer les différents tomes de Paullina Simons. Je restais toujours sur ma faim... Je n'ai néanmoins pas perdu espoir, je me suis donc mise à rechercher un autre roman qui se passait en Russie pendant la Seconde Guerre mondiale et c'est ainsi que je suis tombée sur le roman de Pierre Rivel.
"Chacun, en silence, a préféré rentrer en lui-même. C'était un réflexe typiquement soviétique, à cette époque. Devant l'incroyable, on préférait garder ses réflexions pour soi."
Pour être franche, il ne me tentait pas plus que ça. Pourquoi ? Parce que l'auteur est un homme. Non, je ne suis pas misandre. Mais au fil des années, je me suis rendue compte que pour apprécier un roman, j'avais besoin de pouvoir m'identifier à l'héroïne et j'ai toujours trouvé que les femmes avaient une sensibilité différente que les hommes n'arrivaient pas à retranscrire. Oui, il s'agit d'un avis personnel mais cela a eu pour conséquence de me faire fuir tous les romans écrits par des hommes (alors que mes profs à la fac m'obligeaient à ne lire que ça). Ce fut donc avec stupeur que j'ai découvert que le livre était écrit en "je" et que le narrateur était... une femme. Si j'avais été à la bibliothèque, ce simple constat m'aurait fait remettre le livre sur l'étagère, mais au vu des nombreux avis positifs sur Amazon, je me suis laissée tenter.
Au premier abord, le roman peut sembler un peu brut de décoffrage. On rentre directement dans le vif du sujet. Le premier chapitre est simplement intitulé "Krasnogorsk, 3h15 de l'après-midi". Une ville, une heure. On est directement plongé dans un contexte quelque peu oppressant, on a l'impression que cet instant est primordial dans le roman et le titre annonce déjà un événement marquant, que l'on attend avec anxiété. En lisant le titre, j'ai pensé que la guerre avait éclaté en Russie à ce moment-là (j'ignore où se trouve cette ville, je suis nulle en géographie), je pensais qu'on allait directement entrer sur le champ de bataille et voir les conséquences de la guerre sur la population. Mais non, ce chapitre relate la rencontre de l'héroïne avec une tzigane. Ce début m'a quelque peu surprise. Déjà parce que le vocabulaire n'est pas très "pompeux", ni riche, on n'a pas l'impression d'être dans un grand roman de la littérature française mais plutôt d'être sur le terrain. Parfois cela peut sembler un peu vulgaire : comment une jeune femme peut parler ainsi ? Mais cette femme vit en période de guerre sous un régime communiste, elle a été éduquée, mais c'est un soldat, une femme de terrain, elle n'a que faire du langage fleuri. Ce sentiment d'être au contact avec la population sur place est accentué par les nombreux termes en russe présents dans le roman, aussi bien dans les dialogues que dans la narration (heureusement qu'il y avait un glossaire à la fin du livre). Si cela m'a un peu rebutée au premier abord, je pense que c'est en grande partie ce qui confère une âme au roman, un sentiment que tout ce qui y est écrit est vrai. On en oublie que l'auteur est un homme et le narrateur une femme, tout dans ce roman donne l'impression de dire la vérité, de relater des événements qui sont vraiment arrivés à la narratrice et on a tendance à vouloir identifier la narratrice à la personne de l'auteur : serait-ce l'histoire de sa mère ? Grand-mère ? Tante ? Epouse ? Cette impression de vérité est également renforcée par une photo qui se trouve juste avant le premier chapitre, où l'on voit une femme, habillée comme un soldat, l'arme à la main : serait-ce la photo de la narratrice que l'auteur a retrouvée dans une boite et qui l'a conduit à écrire ce roman ? Ce sentiment est présent pendant tout le roman et je pense que cela donne envie de connaitre l'histoire : pour moi, les histoires vraies ou inspirées de faits réels sont toujours plus intéressantes, elles piquent mon intérêt.
"C’était ma situation d’étrangère qui me mettait hors de moi. La sensation de n’être jamais à ma place, de ne jamais répondre de la bonne manière. La haine de soi…"
Chaque chapitre du roman évoque une partie importante de la vie de Tania : sa rencontre avec la tzigane qui lui annonce son avenir, la vie à Moscou au début de la guerre, la répression et la délation des Russes sous le régime soviétique, la vie des femmes au front, le début de la guerre froide... Tant de chapitres qui permettent à travers le personnage de Tania d'évoquer les différents aspects de la vie des Russes de 1941 à 1945. Mais en évoquant des personnages plus âgés, Tania permet aussi d'aborder les premiers temps du communisme, les bouleversements que cela a pu avoir sur les gens qui étaient considérés comme des étrangers ou des capitalistes. Tania est donc un personnage central et ce personnage est double. La Tania narratrice est beaucoup plus âgée ce qui lui permet de porter un regard a posteriori et donc d'éclairer certains éléments que le lecteur qui se met à la place de la Tania personnage ne peut pas toujours comprendre. La Tania narratrice est également plus cynique, elle n'a plus d'espoir, la vie lui a réservé tellement de malheurs qu'elle n'a plus cette petite flamme que la Tania personnage a encore. Car oui, la Tania qui a une vingtaine d'années pendant la guerre est une jeune femme qui traverse une multitude d'épreuves, mais elle continue à avancer, elle a envie de découvrir la France et d'y retrouver ses racines, elle a aussi foi en l'amour. Malgré toutes les horreurs de la guerre, elle reste une femme courageuse, un peu naïve aussi à propos de certains aspects du régime communiste (notamment lorsqu'elle croise les prisonniers russes qui retournent en Russie après la guerre dans des conditions exécrables). Ce personnage est donc très intéressant, elle oscille entre deux univers et on se demande quand les deux entités vont enfin se rejoindre et pour comprendre toute la complexité de Tania, il ne suffit pas de lire les différents chapitres : il faut lire l'épilogue.
Les éléments historiques sont nombreux dans ce roman et ils m'ont semblé d'une grande véracité. Selon moi, l'auteur s'est fortement attaché à faire de nombreuses recherches sur le sujet et il a eu de nombreux contacts avec des femmes russes qui ont vécu cette période pour trouver l'inspiration. Car tout est parfaitement construit et s'emboite : chaque événement de la vie de Tania est à relier avec le contexte de l'époque et permet d'éclairer le quotidien des Russes, quotidien que nous, "Européens de l'Ouest" trop jeunes pour avoir connu la guerre, ne pouvions imaginer. La fin m'a tout particulièrement choquée. Je l'ai trouvée abrupte, froide, tel un couperet qui tombe. La fin est inattendue. Dans tout le roman, la narratrice nous prévient que tel ou tel élément est trompeur, on se doute qu'il va se passer quelque chose d'affreux, mais on ignore quoi. Et lorsque la chute est enfin là, on est tétanisé, un peu comme la Tania qui assiste à la scène. On avait beau avoir été mis sur nos gardes, on ne s'y attendait pas, ce fut trop brusque, on a envie d'avoir des explications, on en a besoin, sinon tout ce qu'on vient de lire n'a plus aucun sens. Mais il y a l'épilogue. Dans l'épilogue, on retrouve la Tania narratrice et elle va enfin nous transmettre la clé pour déchiffrer tous les événements et nous mettre en contact avec une autre horreur communiste que nous ignorions. Lorsqu'on finit de lire l'épilogue, on a envie de recommencer la lecture. Maintenant qu'on connait la fin et qu'on a connaissance des raisons, si on relit le roman, percevra-t-on mieux les signes avant-coureurs ? Je pense que c'est ce que Tania a elle-même fait dans son roman : maintenant qu'elle connait la vérité, elle peut enfin repasser au crible tous les événements de sa vie et comprendre ce qu'il s'est passé.
E N C O N C L U S I O N
★★★★★
Ce roman se lit avec une aisance déconcertante. On lit page après page sans jamais être rassasié. D'abord on a envie d'en apprendre plus sur la vie de Tania qui n'a pas été gâtée par les événements, puis les commentaires de la narratrice annoncent qu'il va se passer quelque chose et on a envie de savoir quoi et ce, jusqu'au bout. Car la fin du dernier chapitre est tellement choquante qu'on a besoin de réaliser un travail d'enquêteur derrière, travail que la narratrice a fait pour nous et dont elle nous livre les résultats dans l'épilogue. Un roman qui pour moi se présentait comme un roman qui allait aborder une tranche de vie de la population russe a pris une ampleur inattendue et a su me captiver jusqu'au bout. Pas de grandes histoires d'amour passionnées comme dans les romans de Paullina Simons, mais une histoire qui respire la sincérité, qui ne cherche pas à nous protéger mais qui présente les faits froidement avec beaucoup de réalisme. 9,5/10.
S.
-
Commentaires
Tu m'as donnée envie de me plonger dans ce livre. Tout de suite. Je pense que je me pencherai sur ce bouquin ♥ mais quand je vois ma pile à lire... J'ai l'impression que je lis un livre et j'en ajoute 3 ! Acheteuse compulsive de livres, un peu. J'aime ça xD (Bon, si je gagnais à l'euro million, je serais acheteuse compulsive de fringues et chaussures aussi... certes.) En tout cas, merci beaucoup pour le partage et ton avis sur ce livre !
Ajouter un commentaire
Je vais te poser une question sur l'issue de ce livre ? Mur de Berlin ? mes grands parents étaient en Allemagne en 1962... Berlin juste après le mur ... aussi, beaucoup d'histoires ont couru jusqu'à mes oreilles... histoires de drames humain d'un peuple qu'on avait coupé en deux du jour au lendemain en y incluant x démembrements familiaux... Pour ne Pas spoiler plus avant pour les autres, confirme moi juste si j'ai bon.... ceux qui restaient du coté du mur mettaient des messages en creusant espérant que l'un de leur proches le trouverait... même,si c'était un espoir vain ils le faisaient...
PORTION EST / OUEST : quand le train roulait dans la zone qui couvrait les 150 km du mur ''décorés de barbelés ''. les rideaux étaient baissaient, des patrouilleurs avec des chiens parcouraient les couloirs. Ils étaient interdit de lever les rideaux et de se déplacer de son siège... Ce train ne devait en aucun cas s' arrêter.... il circulait.. . à vitesse modérée ( je pense que c'était pour s'assurer de qui en fuite, pourrait y monter ).
Je suppose que dans ton livre, il est bien expliqué que le dépicage de l'Allemagne à Yalta à été une des causes sous jacentes de cet ultime drame pour la part du peuple allemand résidant en Russie qui comme tout civil, était un pion collatéral durant le conflit.
Il y a une expression Française qui dit en ch...r comme un Russe et une autre que les Allemands ont expérimenté durant la guerre en Russie. Mieux vaut la mort que la Russie... Un allemand qui tombait dans les mains d'une femme Russe TENTATRICE... y laissait sa vie d'une façon que je n'ose même pas écrire.....
Sous Staline, il n'y avait que deux options le stalag ou l'internement. Quand certains Russes ont eu connaissance de la signification du mot internement ils dirent préférer le Goulag d'où l'esprit pouvait revenir avec le corps...
Le paradoxe de cette époque c'est qu'une fois le communisme installé dans le quotidien et le peuple Russe reprenant ses marques après la guerre a, souscrit a un '' confort '' cocooning -- autant qu'on puisse employer cet expression quand la liberté est un mot prohibé... Travail garanti, logements communautaires, soins, vacances étatisés etc... Bien mieux en quelque sorte que la Russie ''féodale'' d'avant... Le monde parfait... sauf qu'au détraquement du système. ''Ces heureux'' assistés, se sont retrouvés comme des enfants orphelins... sans structures pour fonctionner... et ce fut une sombre période de nouveau...
En gros on pourrait dire sacrifier sa liberté pour la sécurité tel est le dilemme qui s'imposerait aux hommes... dans des systèmes que l'on étatise à outrance...sic le communisme ou le concept batardé de projet mondialiste qui se profile bien au delà d'Orwell ou d'Huxley...
Ayant déjà eu ma période Russe, et beaucoup de choses mises en bookmarks à lire sur la Russie de mr Poutine, + le livre de Ausana qui me tente, mon année d'études qui reprend , et les dramas qui mine de rien occupent pas mal, je me contenterai de le survoler... pour la curiosité.
Dans les ouvrages Russes on en vient obligatoirement à leur histoire qui a des ramifications quasi biliaires avec eux...
Paulina Dachkova : les pas légers de la folie et l'hiver rouge où l'on se retrouve dans la Russie des années 80 avec pas mal de restants et de nostalgies des temps d'avant.....
Je ne lis plus trop de romans Historique je suis devenue une peu paresseuse. j'essaye plutôt de trouver via Internet, de bonnes chroniques ( !!! je suis un peu difficile.. ). Passé un temps il y avait la série de Frédéric Mitterrand ; Les aigles foudroyés assez bien documentée dont l'histoire des Romanov. Je ne me lasse jamais d'histoire...
ET UNE HISTOIRE SUR LE CHOCOLAT ? EXISTE - TELLE ? Les premières patentes ( autorisation payante !!! d'exercer un service) pour faire un espace de dégustation du chocolat date de Louis XIV. Mais comme pour la pomme de terre il a fallut des années avant que l'on ne torréfie ce trésor. D'après St Simon qui était non seulement la meilleure commère de Versailles mais un excellent rapporteur littéraire, ce n'était alors qu'amertume...